Nouvelles du parloir
Le parloir est un lieu qui vous reçoit, hôte, juste le temps dabreuver les terres en friche. Rien que la fine gouttelette, la maigre rainure que creuse leau à même le sol nu et sourd.
Celui qui vient, celui qui sollicite pourrait nêtre quune ombre singeant la défense, un bourreau en villégiature. Il marque de sa présence en négatif lendroit doù devrait se manifester lécho. Je lobserve vaguement, sans attentes particulières. Si lenvie me prenait de lépier il tirerait le rideau. Quel profil admirable, cette belle prestance des certitudes entretenues, cette omnipotence qui saffiche, presque palpable. A peine un visage, juste une insupportable causerie. Du bon côté, rênes en main, il interroge, griffonne, fait mine de savoir quand il est à cour dinventions. Tout cela me blesse et mindiffère. Quelle nouveauté suis-je en droit de réclamer ? Exiger peut-être pour que la farce soit complète que lon fasse mine de me laisser sortir. Entrer, sortir, je ne sais plus bien à quoi tout cela correspond. Pousse ton un homme au hasard sur une scène aussi nue ? Sous cet éclairage de néons faméliques ? Pour quon neutralise un homme à ce point il faut dautres raisons, dautres principes.
Je gesticule, cela va de soi, puisque le moindre de mes mots à peine libéré est jeté à bas, épousseté comme on le ferait de miettes sur une table. Sans les mots, comme un simple pantin spectateur dun funeste jeu pratiqué sur sa dépouille.
Lenfermement pour une heure encore, pour la vie entière prolonge la peine.
Une seule fois accepter le jeu, accepter que lon cloisonne ma parole, que lon me dise où et quand je pourrais faire montre dhumanité, cest le signe premier de la perte de ma condition dhomme.
« Faites là où on vous dit de faire ! Déféquez ! Mangez ! Parlez ! » il ne reste plus quun buisson dactes conjugués à limpératif. Il faut bien que le corps se purge, on ne parle plus pour être entendu, on ne parle plus dailleurs, on joue les naïfs ou les muets. Un juste assemblage dorganes, aussi catégoriquement soumis quun rat de laboratoire. Et le naïf laborantin fait jouer encore une fois sa clef dans la serrure. Retour à la cellule, à lessentiel. Le loquet tourne comme par miracle, je reste assis, patiente la prochaine ronde. Et sous ma fesse glisse le monde."
L'observatoire international des prisons le rappelle, les prisons françaises sont douloureusement surchargées et source de bien des drames : suicide, agressions, maladies mentales. Le débat nécessaire concernant les prisons rebute tout le monde parce qu'une forme de "bon sens populaire" juge depuis toujours que les prisonniers, les "punis" méritent leur sort. La question ici n'est pas sur les peines mais sur les conditions d'incarcération, sur la dignité bafouée. Le très bon article de Stéphane Artéta dans le Nouvel Obs décrit parfaitement la situation en juin 2004, depuis rien n'a changé. Il convient de souligner que la situation dans les prisons françaises est un scandale complet. On juge une société à sa façon d'appliquer la loi, de protéger les faibles. Les lois élémentaires ne sont tout simplement pas respectées dans les prisons. Rappelons que les incarcérations de très longue durée ne représente qu'un infime pourcentage et que la vrai question au bout de tout celà est celle de la réinsertion. Comment se réinsérer quand on ressort broyé, fou ou définitivement associal du cloisonnement.